Les enjeux juridiques liés au commerce électronique

La pandémie de la Covid-19 a radicalement changé le portrait économique mondial. Elle a eu des effets extrêmement néfastes sur certaines industries. Cependant, d’autres secteurs connaissent un essor fulgurant durant cette période tumultueuse. C’est notamment le cas du commerce électronique, plus communément appelé « E-commerce ». Les ventes au détail du commerce électronique ont connu une augmentation considérable entre autres en raison des mesures de confinement et de la réticence des consommateurs à aller en magasin. Par conséquent, beaucoup d’entrepreneurs se sont lancés dans le commerce électronique et c’est un secteur qui sera vraisemblablement en constant essor dans les années à venir.

Dans cet article, nous avons résumé 5 enjeux juridiques à considérer pour une exploitation optimale de votre entreprise en commerce électronique.

1. STRUCTURE JURIDIQUE

Le choix de structure juridique pour votre entreprise varie selon plusieurs facteurs. Certaines personnes font du commerce électronique par le biais d’une entreprise individuelle ou même une société de personnes. Cependant, une société par actions amène plusieurs avantages pour l’exploitation de votre entreprise. Puisqu’il s’agit d’une entité juridique distincte, celle-ci limite votre responsabilité personnelle relativement aux activités de votre entreprise. De plus, cette structure juridique facilite la promotion et le marketing de votre marque, le cas échéant, en plus de faciliter l’obtention du financement pour votre entreprise. Nous vous invitions à lire notre article sur les éléments à considérer pour l’incorporation de votre entreprise.

Si vous décidez de vous incorporer, une société fédérale serait la structure juridique la plus avantageuse pour votre entreprise, surtout si vous avez un nom d’entreprise au lieu d’une société à désignation numérique. Toute entreprise doit obtenir un rapport de recherche de noms avant d’être incorporée au fédéral, et ce rapport énumère tous les noms d’entreprise et marques de commerce au Canada qui sont similaires au vôtre. Ce rapport est analysé et validé par Corporations Canada durant le processus d’incorporation. Vous bénéficiez ainsi d’une protection accrue de votre nom d’entreprise et vous vous assurez qu’aucun autre nom d’entreprise ne porte confusion au vôtre, un facteur très important dans l’industrie du commerce électronique. De plus, si vous avez des clients situés à travers le Canada ou à travers le monde, une société fédérale pourrait être la structure juridique la plus appropriée pour votre entreprise.

2. LOI SUR LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

En tant qu’entreprise en commerce électronique, vous êtes considéré comme un commerçant selon la Loi sur la protection du consommateur (« LPC ») et vous avez des obligations en vertu de cette loi, ainsi que les autres lois sur la protection du consommateur selon le lieu de résidence de vos clients. Puisque le contrat de vente avec vos clients est conclu en ligne, il s’agit d’un contrat conclu à distance conformément à la LPC. Par conséquent, ce contrat devra contenir des dispositions obligatoires et certains renseignements devront être divulgués au consommateur avant la conclusion du contrat.

Il vous faudra donc un contrat de vente avec des renseignements obligatoires prescrits par la LPC, ainsi qu’une politique adéquate concernant les remboursements, les échanges, les garanties sur les produits et d’autres modalités concernant la vente de vos produits. Cette politique est publiée sur votre site web, tout comme vos conditions d’utilisation et votre politique de confidentialité, ce qui nous amène au point suivant.

3. CONDITIONS D’UTILISATION ET POLITIQUE DE CONFIDENTIALITÉ

Les contrats publiés sur votre site web, à savoir vos conditions d’utilisation, votre politique d’échange et de remboursement (le cas échéant) et votre politique de confidentialité, constituent des éléments très importants pour l’exploitation de votre entreprise, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, puisque la très grande majorité (voir la totalité) de vos activités commerciales sont exploitées à partir de votre site web, ces documents doivent contenir les dispositions adéquates pour la protection de votre entreprise. Ensuite, la plupart des transactions de vente en commerce électronique n’impliquent pas la signature par le consommateur d’un contrat formel. Par conséquent, toutes les dispositions concernant la vente de vos produits (modalités de vente, échanges, etc.) sont incluses dans les conditions d’utilisation et la politique de remboursement. Ces documents font donc partie intégrante du contrat conclu à distance conformément à la LPC.

Finalement, vos conditions d’utilisation et votre politique de confidentialité sont assujetties aux lois sur la protection des renseignements personnels tant au niveau fédéral que provincial. Ces lois stipulent les conditions sous lesquelles vous pouvez utiliser et communiquer les renseignements personnels de vos clients. Lesdites lois font présentement l’objet de projets d’amendement pour l’ajout de nouvelles obligations aux commerçants, notamment en ce qui concerne la clarté des dispositions de votre politique de confidentialité et le consentement de vos clients pour les fins d’utilisation de leurs renseignements personnels.

Par conséquent, il importe que vos conditions d’utilisation et votre politique de confidentialité soient rédigées adéquatement pour assurer la protection de votre entreprise et la conformité de vos activités aux lois applicables.

4. LOI ANTI-POURRIEL

Le commerce électronique implique souvent la collecte d’adresses courriel de clients et l’envoi de courriels à des fins commerciales. La Loi canadienne anti-pourriel (« LCAP ») régit la collecte d’adresses courriels ainsi que l’envoi de messages électroniques commerciaux à celles-ci. Un message électronique commercial (« MEC ») est un message qui a pour but d’encourager la participation à une activité commerciale. La LCAP énonce trois obligations principales :

  1. Obtenir le consentement (exprès ou tacite) de vos clients avant de leur envoyer un MEC ;
  2. Fournir certains renseignements obligatoires lors de l’envoi du MEC ; et
  3. Permettre à vos clients de retirer leur consentement à recevoir d’autres MECs.

Vous devez donc vous assurer que vos opérations de promotion et de marketing se conforment aux obligations ci-dessus.

5. OBLIGATIONS FISCALES – EN COLLABORATION AVEC BCA CPA

Vous avez des obligations fiscales à respecter, comme toute autre entreprise. Tout d’abord, au Québec vous devez vous inscrire aux fichiers de la TPS et TVQ si vos revenus excèdent 30 000 $ au cours d’un trimestre civil (3 mois) ou pour l’ensemble des 4 trimestres civils précédent. Même si vous n’atteignez pas ce seuil, il pourrait tout de même être avantageux de vous inscrire aux fichiers de la TPS et de la TVQ, puisqu’en taxant vos ventes, vous pourriez avoir le droit de réclamer des remboursements à Revenu Québec pour la TPS et la TVQ sur vos achats et dépenses en lien avec votre activité commerciale. En effet, bien que le prix ultimement payé par le consommateur soit plus élevé de 14.975% en étant inscrit aux TPS/TVQ, il pourrait être une bonne décision d’affaires de vous inscrire avant d’avoir atteint le seuil des 30 000$ si vos achats et dépenses d’entreprise sont taxables.

Par exemple, Audrey-Anne possède un site de commerce électronique où elle vend des savons fabriqués au Québec. Elle génère 10 000$ de ventes, mais elle a des dépenses de 5 000$ en achats et en dépenses d’entreprise (matières premières, équipement, site web, tous taxables sous le régime de TPS/TVQ).

Si elle n’est pas inscrite aux fichiers de la TPS/TVQ :

Ventes                 10 000.00$ (aucune taxe car elle n’est pas inscrite)

(-) Achats            (5 748.75$) (elle a 5 000$ de dépenses sur lesquelles elle paie des taxes)

Profits                  4 251.25$ (montant dans ses poches, sur lequel elle devra payer de l’impôt)

Si elle est inscrite aux TPS/TVQ :

Ventes                                 11 497.50$ (10 000$ de revenus plus TPS/TVQ)

(-) Remise TPS/TVQ         (1 497.50$) (les taxes facturées doivent être remises à Revenu Québec)

(-) Achats                           (5 748.75$) (elle a 5 000$ de dépenses sur lesquelles elle paie des taxes)

(+) Remb. TPS/TVQ               748.75$ (les taxes payées sont réclamées à Revenu Québec)

Profits                                   5 000 $ (montant dans ses poches, sur lequel elle devra payer de l’impôt)

Comme vous pouvez le voir, Audrey-Anne a 748.75$ de plus dans ses poches à la fin de l’année en étant inscrite aux TPS/TVQ. Cependant, ses clients paient leurs savons 14.975% de plus que si elle n’était pas inscrite. Elle devra procéder à une analyse sur son élasticité prix, pour savoir si ses clients achèteront la même quantité de produits s’ils sont taxables. Très souvent, s’il s’agit de petites transactions, comme des savons dans ce cas-ci, l’impact des taxes sur les ventes est minime.

L’autre aspect à tenir compte dans cette analyse est le fardeau administratif en lien avec la gestion des taxes si vous désirez vous inscrire, car très souvent, si vous n’êtes pas familiers avec le processus, vous devrez engager des professionnels pour gérer les taxes et faire les déclarations en lien avec celles-ci (analyse coûts vs bénéfices). Dans l’exemple ci-dessus, si les ventes d’Audrey-Anne sont les mêmes qu’elle soit inscrite ou non aux taxes, tant et aussi longtemps que ses professionnels lui chargent moins de 748.75$ pour gérer ses taxes, elle fera forcément un profit!

Si vous êtes inscrits aux fichiers des taxes et si vous vendez des produits/services dans la même province que votre province de résidence ou de domicile de l’entreprise, à moins que le produit/service ne soit pas taxable, vous devrez prélever les taxes fédérales et provinciales de votre province.

Si vous vendez dans d’autres provinces que la vôtre, il faut également faire attention à quelles taxes provinciales appliquer lors de la vente en ligne.

Si vous vendez des biens et vous fournissez un service de livraison à vos clients dans d’autres provinces que la vôtre :

Si le consommateur achète un bien et que la vente inclut la livraison à son domicile, alors c’est la province de résidence de votre client qui prévaut et vous devez facturer et remettre les taxes provinciales et fédérales de la province de votre client.

Dans ce cas-ci, reprenons l’exemple d’Audrey-Anne et ses savons. L’entreprise de savons d’Audrey-Anne connaît une forte croissance et elle est maintenant obligée d’être inscrite aux fichiers de TPS/TVQ. Elle a également commencé à vendre et à offrir le service de livraison en Ontario. Pour ses clients ontariens, étant donné que les biens sont livrés à leur domicile, Audrey-Anne doit leur facturer la HST (13%), qui est la taxe de l’Ontario, et remettre ces taxes par la suite.

Si vous vendez des biens et que vous ne fournissez pas le service de livraison à vos clients dans d’autres provinces que la vôtre :

Si votre client achète un bien et que la vente n’inclut pas la livraison au domicile (dans certains cas, avec des items à plus grande valeur ou des items très gros, par exemple), alors la livraison est réputée être faite dans la province de l’entreprise, donc il faudrait charger les TPS/TVQ si l’entreprise est au Québec.

Reprenons l’exemple d’Audrey-Anne qui vend ses savons. Elle vient tout juste d’ouvrir une boutique physique à Gatineau et elle a un site de commerce électronique où les clients peuvent précommander et prépayer leurs savons préférés, mais ils doivent venir chercher les savons en boutique parce qu’Audrey-Anne n’offre pas encore de service de livraison. Dans le cas d’un client habitant à Ottawa qui passerait une commande en ligne (commande et paiement), puisque le bien est récupéré au Québec, Audrey-Anne doit facturer les TPS/TVQ et non pas la HST, même si le client est Ontarien.

Normalement, votre plateforme de commerce électronique est capable de prélever les taxes provinciales et fédérales en fonction de divers paramètres, il ne faut que les activer.

Ensuite, vous devez déclarer aux autorités fiscales les revenus et dépenses générés par votre commerce électronique, en fonction de votre structure juridique. Si votre entreprise est enregistrée et n’est pas incorporée, vous devrez inclure les revenus et les dépenses dans votre déclaration de revenus personnelle et payer de l’impôt personnel sur les profits.

Si votre entreprise est incorporée, vous devrez déclarer vos revenus et dépenses générés par votre commerce électronique dans une déclaration de revenus corporative, qui est une déclaration d’impôts distincte de votre déclaration d’impôts personnelle. Le plus gros avantage de l’incorporation est que vous n’avez pas à payer les cotisations RRQ et RQAP (employeur et employé) sur l’ensemble des revenus gagnés, et que l’impôt à payer en fin d’année est calculé à un taux d’impôt très souvent inférieur que votre taux d’impôt marginal au personnel.

 

Les informations sont fournies dans cet article seulement à titre informatif. Ces informations ne constituent pas des conseils juridiques et ne peuvent être lues ou interprétées comme des conseils juridiques. Si vous désirez obtenir des conseils juridiques relativement aux informations fournies dans le présent article, veuillez contacter un de nos avocats.

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