Les parties à des ententes commerciales peuvent convenir de différents mécanismes afin d’assurer le respect des dispositions desdites ententes. La clause pénale est l’un des mécanismes utilisés pour atteindre cet objectif. Cette clause a pour but d’assurer l’exécution d’une obligation contractuelle en évaluant par anticipation les dommages-intérêts en cas d’inexécution de ladite obligation. La clause pénale est souvent utilisée dans les contrats de service, les transactions de vente et les conventions entre actionnaires, ou encore pour assurer le respect des clauses de confidentialité, de non-concurrence et de non-sollicitation dans les contrats commerciaux. En cas de violation d’une obligation assujettie à une clause pénale, le créancier de ladite obligation sera en droit de réclamer les montants stipulés à la clause, et ce, sans avoir à prouver le préjudice qu’il a subi.
CADRE JURIDIQUE
Les articles 1622 à 1625 du Code civil du Québec (« C.C.Q. ») constituent le cadre législatif principal des clauses pénales. Selon l’article 1622 C.C.Q., il s’agit d’une clause « par laquelle les parties évaluent par anticipation les dommages-intérêts » en cas d’inexécution par le débiteur de son obligation contractuelle. Le créancier peut donc se prévaloir de la pénalité stipulée dans la clause au lieu de poursuivre le débiteur en dommages-intérêts. Conformément à l’article 1623 C.C.Q., le créancier de l’obligation a droit au montant stipulé dans la clause, et ce, sans avoir à prouver le préjudice qu’il a subi.
OBJECTIFS
Premièrement, une clause pénale a pour but de créer un effet dissuasif sur le débiteur de l’obligation. À la signature du contrat, le débiteur de l’obligation est déjà bien au fait des conséquences prévisibles de la violation de son obligation. Le montant de la peine à payer en cas de violation de l’obligation et le fait que le créancier n’a pas à faire la preuve du préjudice subi sont des facteurs qui sont probablement pris en considération par le débiteur dans sa décision de contrevenir ou non à son obligation.
Ensuite, la clause pénale a pour but d’éviter au créancier toutes sortes de tracas liés à la protection de ses droits et à l’obtention des dommages auxquels il a droit. Tout d’abord, puisque les dommages sont anticipés, il évite ainsi de recourir à l’évaluation desdits dommages par les tribunaux, ce qui constitue un avantage de taille dans les cas où il est difficile d’évaluer les dommages directs subis relativement à la violation. Ensuite, comme le prévoit le premier alinéa de l’article 1623 C.C.Q., il a droit à la somme stipulée dans la clause pénale sans avoir à faire la preuve du préjudice subi relativement à la violation de l’obligation. De plus, la clause pénale liée à un engagement à faire ou à ne pas faire constitue une protection efficace pour le créancier, car il est souvent difficile d’obtenir une ordonnance d’injonction forçant le débiteur à s’acquitter de son obligation, en raison des critères stricts applicables à ce type d’ordonnance. Qui est plus, l’application de la clause pénale est au choix du créancier. En effet, celui-ci peut opter pour la clause pénale ou choisir d’intenter les autres recours à sa disposition, selon l’option la plus avantageuse pour lui.
Conséquemment, la clause pénale peut constituer un mécanisme efficace de protection des droits du créancier d’une obligation. Cependant, nous allons étudier ci-dessous certains facteurs à considérer lors de la rédaction ou de l’application d’une clause pénale.
APPLICATION ET PREUVE DE PRÉJUDICE
L’application d’une clause est sujette aux règles en droit civil concernant la mise en demeure. Ainsi, l’envoi d’une mise en demeure est une formalité essentielle pour le créancier qui désire se prévaloir d’une clause pénale[1]. Cependant, le créancier est dispensé de cette formalité lorsque le débiteur est en demeure de plein droit selon les dispositions de l’article 1597 C.C.Q.
Ensuite, bien que le créancier ne soit pas obligé de prouver le préjudice qu’il a subi pour appliquer la clause pénale, cette règle est sujette à certaines précisions. Tout d’abord, l’application de la clause requiert une faute ou une inexécution de la part du débiteur de l’obligation. De plus, l’alinéa 1 de l’article 1623 C.C.Q. ne dispense le créancier que du fardeau de prouver le préjudice. En effet, en vertu des principes de responsabilité civile, le créancier doit avoir subi un préjudice pour invoquer la clause de pénalité. Si le débiteur conteste l’application de la clause en raison de l’absence d’un préjudice, le tribunal peut exiger du créancier qu’il fasse une preuve prima facie d’un tel préjudice, faute de quoi le tribunal peut annuler ou réduire le montant de la pénalité[2]. Par conséquent, la preuve d’un préjudice devient indirectement une condition essentielle au recours. Il convient toutefois de préciser qu’en matière de clause pénales le juge ne dispose pas d’un pouvoir souverain d’appréciation de la preuve du préjudice. En effet, la preuve du préjudice et de son ampleur ne doit servir qu’à « l’étude du caractère circonstanciel ou subjectif de l’abus »[3].
RECOURS EN DOMMAGES-INTÉRÊTS
En principe, le créancier ne pourra pas obtenir à la fois le montant de la pénalité et des dommages-intérêts pour la même inexécution. Ainsi, le créancier qui fait le choix d’appliquer la clause pénale renonce à ses autres recours pour la même violation. Il existe cependant des exceptions à cette règle. La première survient lorsque la clause pénale n’est liée qu’au retard dans l’exécution de l’obligation. Ensuite, il y aura possibilité de cumuler les recours lorsque la clause pénale ne couvre que certains dommages spécifiques, ce qui permet au créancier d’intenter un recours pour les dommages non couverts par la clause. Finalement, le recours en dommages additionnels est possible lors de l’inexécution d’une obligation pécuniaire conformément à l’alinéa 3 de l’article 1617 C.C.Q., qui permet au créancier de stipuler au contrat qu’il aura droit à des dommages-intérêts additionnels, à condition d’en faire la preuve.
CLAUSE ABUSIVE
Conformément à l’alinéa 2 de l’article 1623 C.C.Q., le montant de la peine stipulée peut être réduit en cas d’exécution partielle de l’obligation ou si la clause est abusive. Une clause pénale peut être abusive si le montant de la peine stipulée est complètement disproportionnel au dommage réellement subi, mais il s’agit d’un facteur évalué par les tribunaux selon les circonstances en l’espèce. Dans le cas d’un contrat d’adhésion, à savoir un contrat dont les stipulations essentielles ont été imposées par une partie, la clause pénale sera nulle, ou le montant de la pénalité, réduit selon les dispositions de l’article 1437 C.C.Q.
EXÉCUTION EN NATURE
En principe, comme détaillé au deuxième alinéa de l’article 1622, le créancier ne peut exiger à la fois l’exécution en nature de l’obligation et la peine stipulée dans la clause pénale. Cependant, lorsque le montant de la pénalité est stipulé pour chacune des contraventions à la clause ou pour chaque jour de contravention, il est possible de cumuler l’obtention de la pénalité pour les défauts passés et une injonction pour empêcher les violations futures[4].
PÉNALITÉ JOURNALIÈRE
Les clauses pénales contiennent souvent des pénalités calculées par jour. Cette méthode de calcul peut être avantageuse dans certaines situations telles que les pénalités pour retard d’exécution d’obligation ou encore les engagements de non-concurrence. Cependant, dans d’autres circonstances telles que les engagements de confidentialité, une pénalité calculée par jour n’est peut-être pas la meilleure méthode de calcul, car le débiteur peut divulguer toutes les informations confidentielles du créancier en une seule journée. Il pourrait donc être utile de prévoir des méthodes de calcul différentes selon la nature de la violation.
CONCLUSION
La rédaction d’une clause pénale requiert un examen attentif des règles de droit applicables et des circonstances particulières de l’entente. ENDLEX peut vous aider à rédiger des contrats qui assurent la protection de vos droits et de vos intérêts. Contactez-nous si vous avez des questions.
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